Agriculture de demain, : Amender le pacte républicain.

Un tintamarre assourdissant couvre les voix du débat public qui se voudrait démocratique.
La question des néonicotinoïdes impose une controverse sur l’agriculture productive et nourricière que réprouve quelques uns par ce qu’agressive de l’environnement et destructrice de la biodiversité.
Le débat paraît mal engagé ; la démocratie ne peut trouver sa place dans une expression populaire présentée comme spontanée, prendrait-elle la forme d’une pétition institutionnalisée. Les passions militantes dérobent à la vue des esprits intéressés la complexité réelle de l’objet.
Les sujets environnementaux sont inaccessibles à ceux (et ils sont la majorité) qui n’ont pas pris le temps d’en découvrir les mécanismes imbriqués, d’en réévaluer les enjeux croisés, pour in fine, adopter une vision globale et prévenir le potentiel danger des bonnes intentions décontextualisées.
Chacun connaît pourtant l’approche « Santé Globale » dont le propre est de tenter de dépasser les logiques causales linéaires, trop simplistes, pour y substituer des représentations qui soient imbriquées et multifactorielles ; il faudrait y revenir.
Se gardant de prime abord d’accuser ou de qualifier l’agriculture approchée comme un monde cohérent et harmonieux, l’on est évidemment tenté d’admonester L’UE qui, par ses hétérogénéité et disharmonie réglementaires, se présente, plus qu’hégémonique, incohérente, si on considère les modalités qu’elle met en œuvre pour servir un objectif dont on veut bien encore croire qu’il est vertueux.
Le monde agricole est à ce point réglementé qu’il chemine tantôt avec profit tantôt avec peine dans un milieu ambigu et ambivalent, tantôt contraint tantôt débridé.

Sans opinion formée, on se tourne donc vers l’agriculteur, ce chef d’entreprise mut par un esprit entrepreneurial et qu’habite une culture libérale pour laquelle seul compte (ou compterait) le marché et le bénéfice qu’il procure.
La question se pose ainsi d’une liberté d’entreprendre ressentie comme trop contrariée, comme mise en permanence en situation de dépendance, mais en même temps possiblement source d’excès, ceux de « patrons » enfermés dans un modèle productiviste et instrumentalisés par une ‘Chimie’ qui habilement les a circonscrits dans un rapport de domination profitable et addict.
En se plaçant (pour un instant encore) au plan de la communication, celle de la représentation professionnelle, notons qu’elle ajoute au débat l’inconséquence d’un discours inaudible pour le grand public.
L’irresponsabilité pourrait être en partage avec le monde de la science, cette science que l’on croirait parfois sortie de l’imagination de Robert Stevenson2, tantôt salvatrice et tantôt destructrice, tant elle diffuse, sans maîtrise et sans connaissance des effets ultimes, les produits de sa recherche et qui incidemment, tantôt bouclier et tantôt ‘bouc émissaire’, sert d’alibi en ‘irresponsabilité’.
L’inconséquence donc, posture dépourvue de raison et qui défie la logique d’une profession qui est au contact de la vie et revendique être « nourricière des populations » et qui pourtant paraît persévérer dans une voie qui à terme la condamne aux yeux du plus grand nombre.
Le manque serait donc celui d’un ‘rapport de force’ dont on attendrait qu’il équilibre et régule le système à l’aune tantôt d’une déontologie professionnelle incarnée et inspirante, tantôt d’une réglementation qui supervise et qui guide.
Il reste que l’enjeu est celui des risques, ceux liés à la disponibilité et à la qualité de la nourriture des hommes, bien sûr, mais peut-être surtout ceux conséquents de l’usage libre d’un espace qui est essentiel à l’environnement vital des hommes.

Alors semble s’imposer une vision manichéenne du droit d’exploiter ; à la liberté d’exploiter serait associée une mission de service public, pour proposer ainsi un cadre clarifié et renforcé.
L’argument réside dans l’intérêt voire la nécessité d’éclairer cette notion de mission comme ce fut tenté ailleurs, dans l’industrie en particulier, conduisant à transformer les statuts d’entreprises ‘à vocation commerciale’ en « entreprises à mission » .
Redéfinir ainsi la mission c’est, dans une certaine mesure, renouer avec un pacte ancien qui faisait des ruraux ‘les amis’ de la nature, agissant hors de tout animisme ou de personnification selon des phénomènes constants et des logiques ‘comportementales’ respectueux du pouvoir exercé sur l’homme.
L’analogisme y avait sa place, de même qu’un « dialogue intelligent », cette intelligence qui se nourrit du contact « pour sentir d’ou vient le vent ».
Le bon sens paysan, ce savoir mémoriel, était la base non d’un contrat, le contrat de nature que d’aucun appellent aujourd’hui de leurs vœux, mais d’un accord symbiotique fait de reconnaissance, de respect et de soumission.
Mais formuler la proposition révèle sa complexité et d’abord la nécessité de raisonner pour l’ensemble du secteur en associant à la réflexion, au-delà du travail de la terre, à la fois l’investissement – machines, la spéculation foncière, l’aval commercial, etc., enfin tout ce qui constitue ‘un secteur’.

A l’évidence une autre logique se fait jour. Cette préhension d’un champ nécessairement élargi commande une approche plus globale, plus conséquente. Elle conduit à reconnaître la nécessité d’une règle d’une autre nature s’imposant à la communauté tout entière et dont il lui appartient donc de se doter.
L’idée de mission, même régénérée et malgré qu’elle prenne sens dans le credo ancestral ‘de la terre nourricière’, ne tient pas. Trop de choses appelle à ce qu’elle soit dépassée, plus qu’enrichie ou plus que restaurée.
A son corps défendant, instruments voire même victimes d’une évolution conduite par d’autres et mal maîtrisée par ce qu’aveugle, l’exploitation agricole a le mauvais rôle ; il apparaît dorénavant comme celui qui abuse d’un droit historique.
Le droit de propriété et donc celui d’exploiter s’en trouvent remis en question.

La conception républicaine de 1789 du droit à la quelle celle-ci est associée se révèle perfectible. Le droit de propriété y fut alors volontairement conçu de manière simplificatrice d’une réalité compliquée, l’impasse étant due en partie et tout à la fois à l’ignorance, à l’absence d’enjeux apparents ; le caractère particulier reconnu dorénavant à son objet, le sol, fait obstacle à l’assimilation de celui-ci à un objet ou une chose (comme d’ailleurs il fut fait de l’animal). Telle est l’erreur.
Cette proposition raisonne-t-elle en nos esprits comme un ébranlement des principes qui fondent le pacte républicain ? La remise en cause qu’induit la reconnaissance d’une certaine perfectibilité est toute relative.
En vérité, elle ne consiste pas en un ébranlement des principes libéraux sur lesquels repose tout l’édifice mais plus positivement, du moins peut-on on le considérer ainsi, à une vitalisation d’un principe essentiel ainsi enrichi d’une vision actualisée de ce qu’est notre monde.
Surement encore si on l’inscrit à la fois dans une perspective d’adaptation de notre loi commune à la progression de notre connaissance des réalités qui nous entourent et dans la poursuite progressive d’enrichissement passés ; moins encore si on la considère en regard des enjeux et des profit attendus et ici évoqués.
Ajoutons qu’il ne peut plus s’agir de posséder et d’user ‘à sa guise’ ‘sauf …’, comme est construit la base du droit d’exploiter aujourd’hui en référence à un doit de la propriété, de nature constitutionnelle, (Article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, intégrée au bloc de constitutionnalité) : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. »

Le vrai enjeu n’est plus « de faire monter la pression », de faire respecter, de limiter ou de contraindre.
Le respect de l’intégrité fonctionnelle des sols, ne peut se concevoir être une règle d’interdit et de contrainte mais comme l’élément ontologique de la relation que l’homme poursuit avec son environnement dés lors qu’il conçoit de sortir de l’ère de l’anthropocène exclusif actuel. Il réside dans l’absolue nécessité de s’inscrire en toutes choses en harmonie avec la dynamique fonctionnelle qu’exercent les sols et les couverts, dynamique dont le déterminisme pour les enjeux environnementaux communautaires est dorénavant avérés.
Il réside aussi dans le rejet croissant, d’ordre pratique autant qu’éthique, des effets nuisibles d’une exploitation dont le changement de nature et l’agressivité croissante ont été amplifiés par le recours intensif à une technique plus invasive (machinisme, intrants, traitements, …).
La dynamique fonctionnelle reconnue c’est celle qu’exerce le sol (au sens générique) dans la régénération des trois composantes essentielles de l’environnement vital que sont l’eau, l’air et la biodiversité.
Est-il utile de rappeler qu’il n’y a pas d’eau sans filtrage et sans stockage et qu’y déverser diverses substances et y laisser libre cours aux ruissellements sont en soi « des actes impactants ».
Faut-il rappeler encore le processus de régénération de l’air et la place qu’y tient le couvert végétal. Faut-il dire l’aspect lunaire ne nos plaines et la disparition de toute forme de vie à des kilomètres de vue.
L’harmonie espérée est celle à la quelle les pratiques et les postures permettent d’accéder dés lors qu’elles sont conçues à partir de cette réalité révélée des forces « de nature » et qu’elles sont orientées sur leur développement.
Nul n’est besoin ici d’avoir recours aux grands principes inspirés de la philosophie classique qui confèrent à la Nature une forme de personnalité et que renforceraient le recours aux lois universelles et pourquoi pas au Grand Architecte.
En l’espèce, l’approche utilitariste, celle d’une juste préoccupation humaniste, de notre survie et de notre bien être, doit suffire à la reconnaissance par la Loi qui nous constitue en Communauté de cette réalité souveraine, et nous mener à faire de cette réalité notre règle collective.
Ainsi, « la culture de la plaine » s’inscrira-t-elle tour à tour et tout à la fois dans le cycle de l’eau, dans celui de l’air et encore dans celui de la vie animale.

Le mouvement ainsi engagé, d’ailleurs borné dans ses effets, s’inscrit ‘naturellement’ dans le prolongement d’une perspective historique initiée par la formalisation du droit de propriété comme règle pivot de l’organisation de nos sociétés inspirée des ‘Lumières’.
Si la référence originelle au sol (la parcelle, le territoire, …) reconnu collectivement est une constante héritée, sa portée n’est ni ‘permanente et ni absolue’, « le droit de propriété » compris comme celui « de posséder » et « d’user » marquant en réalité une rupture en forme de raccourci en regard des jurisprudences antérieures à la révolution..
Ainsi la ‘propriété’ se place dans une perspective ‘relativiste’. Elle engage une ré-interprétation de la notion absolutiste de ‘possession’. Si posséder c’est jouir, notons que jouir n’est ni user, ni altérer ; posséder c’est occuper, c’est à dire concrètement ‘se poser sur’, laissant entendre que cette occupation se fait sans altération.

De même peut-on constater que l’approche « Bien Commun » montre ici très vite ses limites. En vérité ce n’est pas d’un bien dont il s’agit, ce qui serait un objet physique « mort » ou inerte, mais plutôt d’un bloc de fonctions « communes » par ce que servant les intérêts de la communauté. Le sujet à débattre est donc celui de la propriété et de l’exploitation d’un bloc de fonctions environnementales et donc en quoi la présence de ces fonctions conditionne le mode d’exploitation (ou le mode de propriété).
L’agriculture n’a plus le choix ; sa vocation est celle de l’eau, de l’air et de l’écologie ; faire le choix d’être agriculteur c’est accepter d’y contribuer positivement et d’y servir les intérêts de l’humanité toute entière.
Indissociablement, le droit de propriété et celui d’exploiter induit le devoir citoyen de respecter les dynamiques naturelles (les lois naturelle de génération de l’environnement) et aussi de concevoir un usage des éléments de la nature qui accompagne et aide au développement de ces fonctions d’intérêt public, l’accompagnement se concevant comme au-delà d’une ‘simple’ préservation des milieux.

Factuels

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« Banlieusardisation »


‘Banlieusardisation’ ; Quel horrible analogisme ; mais propre à désigner un horrible processus qui peu ou prou change une communauté rurale en une périphérie sans âme.

Dans quelques années, donnons-nous en une dizaine, la chronique du quotidien évoquera combien le mal être pousse les jeunes du lieu à commettre divers menus larcins qui seront autant de témoignages d’une errance, d’une carence affective, d’un défaut d’appartenance.

On évoquera bien sûr la crise d’une génération victime pour mieux la chosifier et justifier ainsi diverses « mesures », crise à la résorption de laquelle sera requis l’accompagnement social surtout connu pour remonter le moral de ceux qui se sentent ‘responsables ‘ et ‘pro-actif’ de la sociabilité.

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