l’installation 
 des médecins

20 Avril 2025

La menace d’une grève des praticiens libéraux en réaction au projet de loi en cours d’examen au parlement et visant à réguler l’installation des ‘nouveaux’ médecins a suscité quelque émoi.
On ne peut que regretter à la fois la menace qui pèse sur les malades ainsi instrumentalisés et aussi le caractère délétère, dans une démocratie républicaine, d’une initiative qui consiste à faire violemment pression sur les élus de la Nation.
C’est là un double argument pour appeler à plus de considération les uns pour les autres et pour inviter à un débat public qui soit plus respectueux de la réalité de ce qu’est aujourd’hui notre organisation de l’offre de soins de premier recours.


Observons d’abord que le texte de loi, dans sa rédaction actuelle, est d’une ambition « plus que modeste » en regard de la situation à laquelle il entend remédier. Appliqué, il empêcherait le médecin qui en ferait la demande d’ouvrir un cabinet là ou celui-ci serait objectivement inutile. 
Or, on peut se demander comment un jeune praticien peut espérer gagner sa vie dans un contexte de « saturation de l’offre de soins » et revendiquer de pouvoir s’installer « là ou il le veut, en dehors de tout autre considération de viabilité» (ce qui est la définition de « la liberté d’installation »).
Que vaut le concurrence qui en résulterait ; ou faudrait-il qu’un subtil calcul ne vienne démontrer que les mécanismes de l’assurance maladie permettent, en de telles circonstances, de rentabiliser une activité surnuméraire.
Certains le prétendent, il est vrai, que l’Offre crée la Demande rendue solvable par la Sécurité Sociale. (je suppose benoîtement (sic) que personne ne raisonne ainsi ?).

Ce qui est plus contrariant, c’est qu’à suivre les professionnels plaignants on ferait l’impasse sur une réalité démographique et géographique qui peut être résumée en une donnée : en France, le nombre de médecins par habitant passe du simple au double selon le département et cette réalité est encore plus prégnante du fait que ce nombre est fréquemment le plus faible dans les zones les moins peuplées, ce qui accroit d’autant la difficulté d’accès au cabinet médical.

On finit par être franchement gêné que ne soit évoquée nul part l’obligation de service (cette bonne vieille notion de ‘service au public’), notion qui semble si peu partagée peut être par ce qu’elle est si peu enseignée (pour y remédier, elle pourrait être constituée en annexe au serment d’Hippocrate). Faut-il une fois encore rappeler que cette obligation constitue la contrepartie de la prise en charge des honoraires par les Assurances Sociales, élément essentiel de la convention passée entre les médecins (qui y adhèrent volontairement) et l’Assurance Maladie.
Rendre service au public c’est aujourd’hui répondre à quelques besoins, quelques nécessités d’évidence somme toute assez élémentaires.
La couverture territoriale en fait partie, qui vise à rendre le soin accessible en tous points du territoire.
Le service c’est aussi la coordination des soins, c’est à dire des soignants, généralistes, spécialistes et autres professionnels soignants, afin de maîtriser le risque d’errance des malades et d’améliorer la continuité de la prise en charge.
La permanence en est une autre composante essentielle du service : permettre d’accéder à un médecin de premier recours à tout moment ou presque ; permanence un temps négligée et que l’on peine encore à restaurer sans avoir recours à l’hôpital.
La liste est longue de ces « chantiers » qui peinent à aboutir malgré un engagement financier bien réel de l’Assurance Maladie. 
Même si la rémunération sur objectifs de santé publique (c’est à dire ce qui n’est pas la rémunération d’une consultation ou d’une visite) atteint aujourd’hui en moyenne environs 20 % de la rémunération totale du médecin, on ne peut pas ne pas s’interroger sur le degré de participation réelle aux actions de santé publique et sur le développement concomitant de la prévention. 
Que penser aussi de la rationalisation du temps médical, c’est à dire de plus de temps consacré à l’expertise auprès du malade permis par plus de subdélégation de tâches aux infirmiers en pratique avancée et par plus de transfert des taches administratives aux secrétariats, considération prise de l’accompagnement financier mis en place par la Sécurité Sociale pour faciliter la mutation des pratiques.

Que nous dit cette énumération si ce n’est l’existence d’un risque réel d’obsolescence de l’organisation des soins primaires défendue par certains et aussi, conséquemment, d’un risque persistant de perte de chances pour les malades, sans compter celui de la déstabilisation des services d’urgence hospitaliers.
Alors, rejeter la régulation et prétendre qu’elle « tue » la médecine (lu dans un tract syndical), … .

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