Les retraites requièrent un peu plus de transparence

La question des retraites, objet d’un débat qui se pérennise, est un exemple de cette société, la notre aujourd’hui, verrouillée faute que les choses soient dites jusque dans leurs conséquences ultimes et qu’elles soient posément débattues sans postures , effets de manches et claquement de portes

Tout est toujours d’abord dans le verbe et si le verbe n’est pas, alors c’est l’incompréhension qui prévaut et la rupture qui s’annonce.

La question des retraites, objet d’un débat qui se pérennise, en offre une illustration qui prend des tournures passionnelles voire dramatiques.
Elle est un exemple de cette société, la notre aujourd’hui, verrouillée faute que les choses soient dites jusque dans leurs conséquences ultimes et qu’elles soient posément débattues sans postures , effets de manches et claquement de portes.
Je suppose qu’il nous faudrait pour cela un peu moins d’arrières pensées prétendument stratégiques de la part de certains et plus de sincérité dans l’exercice des mandants reçus.

En un mot, il faudrait cesser de jouer.

Dans sa globalité, le dispositif de retraite est un des fondements du pacte sociétal. « Il fait société », associé à quelques autres grands dispositifs et règles qui assurent nos libertés, notre démocratie, notre indépendance ; à cet égard et à l’instar de ce que certains promeuvent pour la laïcité, l’on pourrait revendiquer son inscription dans la constitution, encore que la référence (au tire de bloc de constitutionnalité) à l’article 11 de la constitution de 46 devrait y suffire.

Il est historiquement l’engagement républicain de subvenir aux besoins de celui qui ne produit plus, et donc l’un des déterminants de la liberté individuelle. Il est facteur d’intégration dans la communauté nationale, par ce qu’il permet d’abandonner les pratiques de solidarité intra-communautaire et dispense notamment le retraité de ses obligations d’appartenance familiale, si prégnantes dans les sociétés traditionnelles conservatrices.

Ainsi, comme souvent dans notre communauté de progrès, il met en oeuvre un principe qui libère par ce qu’il rassemble.

Mais, avant d’être un droit, la retraite est une obligation faite à chacun et prend la forme d’une amputation du bien gagné, imposée à celui qui produit de la richesse.

C’est là le pacte : obligation contributive contre promesse d’un avenir assuré au plan matériel, mais assuré par les générations futures.

Ce pacte de la retraite, pour constant dans son principe qu’il soit, nous le savons variable dans sa mise en œuvre (comme l’illustre la baisse drastique, en quelques dizaines d’années, du taux de remplacement Retraite / Revenu d’activité qui talonnait les 100 %  et qui fluctue aujourd’hui dans les 50 – 60 %),

Ce qui constitue une véritable rupture doit nous alerter. Le pacte républicain de la retraite et la redistribution qu’il induit ne sont pas un contrat, pas plus que la solidarité n’est une assurance.

Il s’exerce dans un temps long qui en fait l’originalité (cas probablement unique dans l’ensemble des mécanismes d’activation du lien social), originalité qui paradoxalement est peut-être sa force.

Mais s’il est un enjeu existentiel pour une fraction grandissante de la population (l’espérance de vie s’accroit et l’effectif « des vieux » augmente), l’évolution du « pacte retraite » pose aussi aux futures générations la question de sa pérennisation.

Car les paramètres en ont profondément changé depuis la soixantaine d’années que notre système a démarré par l’évidence d’un impératif « moral », celui de subvenir aux besoins élémentaires des vieux indigents (« les vieux travailleurs » de la constitution de 46) pour leurs dernières années de vie (4 à 5 ans compte tenu de l’espérance de vie d’alors) ainsi qu’à leur épouse très souvent sans régime propre.
Or Progressivement et sans qu’en soit clairement établies les logiques nouvelles, le système s’est transformé en un service d’une rente viatique et dés lors s’inscrit totalement dans la logique consumériste qui caractérise l’économie émergeante.

S’ajoute à cela que le système a une autre vocation ou un autre usage ; il est un instrument de redistribution massive du pouvoir d’achat. Notre régime de retraite par répartition est éminemment redistributif, partie au travers de cotisations qui ne donnent pas droits, partie en servant des retraites sans qu’il y est eu cotisation (cf. le minimum vieillesse).
Or cette mécanique redistributive repose sur une politique qui présente cette double caractéristique de n’être ni explicitement définie, tant dans ses principes que dans ses modalités, ni explicitement mesurée dans ses effets.
Au delà de l’ignorance, c’est une suspicion sur la justice et l’équilibre du système qui pointe à l’horizon.

A l’opacité due à la complexité ontologique du système qu’aucune information collective ne permet de maîtriser, se superpose quelques inexactitudes et approximations qui frisent la tromperie et masquent une grande iniquité entre les « régimes » ; elles portent sur l’âge auquel l’abattement pour anticipation ne s’applique plus, les conditions et mode de calcul de la réversion au conjoint, la base de calcul de la retraite elle-même, les modes de fixation périodique de la valeur du point, de cotisation ou de liquidation (et quelques autres encore).
On oublie aussi que le principe des 25 meilleures années ne s’applique pas, ou que partiellement, pour ceux dont la retraite est constituée majoritairement d’une retraite complémentaire calculée sur l’intégralité de la carrière.

En définitive, il nous faudrait clarifier, pour ré identifier les fondements, les actualiser et les réaligner sur la pratique actuelle et aussi pour renforcer ce faisant les principes susceptibles d’emporter l’adhésion du plus grand nombre. Ce serait incidemment l’occasion d’une prise de conscience des contraintes et conditions existentielles incontournables qu’il nous nous faudrait alors assumer collectivement.

L’exercice de clarification ainsi proposé ne se confond pas avec la mise en débat d’autres mécanismes ; aussi peut-on s’interroger sur la pénibilité (est-elle un sujet retraite) que l’on verrait plutôt s’inscrire dans le cadre de négociations sur les conditions de travail (tout comme l’attractivité). De même peut-on s’interroger sur la dessaisie de la politique familiale de la compensation des charges induites par la maternité.

Observons aussi que le débat sur l’alternative « répartition versus capitalisation » revêt le caractère d’une dérobade si l’on veut bien considérer que dans tous les cas les mécanismes de la retraite consistent toujours à transférer de la valeur, de l’actif qui la produit à l’inactif.

Deux observations finales pour ouvrir sur un autre débat, portant sur deux sujets si peu évoqués.
Celui de la gouvernance des entreprises, cette gouvernance susceptible de peser sur les modalités de la répartition de la valeur ajoutée, modalités que l’on peut qualifier de politique salariale et dont le lien avec la retraite est direct.

Celui de la construction et du vote parlementaire d’un budget de la Sécurité Sociale (et donc des retraites) qui soit impérativement à l’équilibre.

Factuels

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